Autechre – Exai

Exai_Packshot_600Sean Booth et Rob Brown ne nous avaient encore jamais fait ce coup-là : nous livrer en pâture deux heures pleines à ras bord d’un seul coup. Jusqu’à maintenant, ils avaient la décence d’accompagner leurs albums officiels d’EPs plus ou moins longs qui les complétaient plus ou moins bien. Cette fois-ci, pas de tri, pas d’EP (enfin, qui sait ce que le duo anglais va nous sortir de ses cartons dans quelques semaines ?) et donc nous devons digérer ces deux CDs ou quatre vinyles. Car, nonobstant la qualité intrinsèque du résultat de ces nombreuses heures d’improvisation en studio, l’impression de trop plein demeure car Exai, c’est au moins deux albums à part entière, l’un plus abstrait, proche de ce qu’Autechre aura produit au début des années 2000, et l’autre plus mélodique. Ces deux albums s’entremêlent, d’une plage à l’autre, parfois au coeur même d’un même morceau, sans trop se préoccuper des transitions parfois abruptes. Autechre continue à produire de la bonne musique, même si on a l’impression d’écouter une sorte de compilation de leurs travaux passés. Et si Booth et Brown nous livrait là une sorte de bilan introspectif avant de passer à autre chose ?

Warp Records – WARPCD 234 / WARPLP234

Laurie Spiegel – The Expanding Universe

UW09Publié au début des années 80, The Expanding Universe est un témoignage assez ancien de musique créée à l’aide d’un ordinateur. Laurie Spiegel explique la genèse du projet dans cette interview. On se contera ici de noter qu’elle en est arrivée à travailler sur des ordinateurs aux laboratoires Bell à cause de sa frustration de ne pouvoir garder en mémoire ou de pouvoir répéter ce qu’elle créait sur des synthétiseurs analogiques.

Ce qui différencie le travail de Laurie Spiegel de beaucoup de ces premières expérimentations musicale à l’aide d’ordinateurs, c’est qu’il y a ici une véritable démarche intellectuelle et artistique. Il faut se rappeler que dans les années 60 et 70, il y avait peu d’ordinateurs dans le monde, que ceux-ci étaient peu accessibles et extrêmement onéreux. On conçoit dès lors que peu de musiciens purent y avoir accès. Laurie Spiegel, en ayant l’opportunité de travailler aux Laboratoires Bell, faisait donc partie d’un club extrêmement restreint.

Réédité et considérablement enrichi d’enregistrements pour la plupart inédits, cet album nous offre une variété de sons et de textures créées dans les années 70 à l’aide du système GROOVE développé par Max Matthews, un des pionniers de la création musicale assistée par ordinateur. Dans les notes de pochette, on remarque que Laurie Spiegel cite les influences de Bach et de John Fahey comme déterminantes pour son travail. Des morceaux comme Patchwork ou The Expanding Universe en portent chacun quelques stigmates.

Par la suite Laurie Spiegel deviendra programmatrice et développera des logiciels de création musicale, tout en continuant son propre travail artistique, malheureusement très peu publié à ce jour. On saluera à ce titre le travail du label Unseen Worlds, qui après avoir réédité Dickie Landry, nous permet de (re)découvrir cette pionnière de la musique électronique.

Unseen Worlds – UW09

Sebastian Lexer / Eddie Prévost / Seymour Wright – Impossibility in its Purest Form (2012)

mrcd82Faut-il encore présenter Eddie Prévost, percussioniste et membre fondateur d’AMM ? Il porte sur ses épaules presque 50 ans de musique improvisée non idiomatique. C’est une sorte de monument vivant en quelque sorte. A l’instar des membres ou ex membres d’AMM encore actifs, chacune de ses prestations, dans la radicalité formelle avec laquelle il approche et déconstruit le concept d’instrument à percussion,  ne cesse d’être une source d’émerveillement et d’inspiration.

Pour ce trio – que l’on a pu écouter avec bonheur en février aux Instants Chavirés – Eddie Prévost s’est entouré du saxophoniste Seymour Wright et du pianiste Sebastian Lexer, deux musiciens d’une autre génération, donc, mais probablement marqués de manière indélébile par la musique de leurs glorieux aînés.

Ce disque de 71 minutes se compose de trois duos et d’un final en trio. La musique contenue dans ce CD explore « ce qui pourrait se passer » plutôt que « ce qui va se passer » dans les diverses combinaisons permises – je cite ici les notes de pochette d’Eddie Prévost. Une manière de rendre possible une musique qui ne cherche qu’à exprimer sa potentialité par le biais de ces trois musiciens chamans. C’est ainsi qu’Eddie Prévost explique que le choix du triangle de Penrose comme illustration de la pochette symbolise bien la quête de ces trois musiciens : créer l’impossible.

Chacun des instruments (piano préparé + électronique, saxophone alto et percussions)  est ainsi travaillé en dehors des sentiers battus, cherchant l’interaction improbable et la magie des rencontres improvisées, avec une prédilection pour la matière métallique qui compose tout ou partie de chacun de leurs composants.

Cette musique nous invite à considérer que la création peut et doit sortir des conventions, que l’impossible ne l’est peut-être que par les limites que l’on se fixe. Certes, il n’y a rien de bien novateur dans ce message, mais ce trio d’improvisateurs le porte et le transmet à merveille.

Matchless Recordings – MRCD82

Daniel Darc (1959 – 2013)

J’espère que ce blog ne va pas se transformer en rubrique nécrologique… Daniel Darc, c’était une certaine idée du rock et du punk; sans doute un des rares en France, qui malgré les addictions et une vie d’écorché vif, a su se les approprier avec classe, sans tomber dans la pâle imitation.